Chaleureusement accueilli ce jeudi, à Paris, par ses proches et ses partenaires, Brieuc Maisonneuve (CMA île de France - 60000 Rebonds) revient avec nous sur les circonstances de son chavirage, survenu dimanche dernier.
“Il y a une successions de petites choses qui font qu’à un moment, ça merde. Cette nuit-là, j’étais un peu cramé, on venait de passer le front et je m’étais dérouté pour aller porter assistance à Amélie Grassi (La Boulangère Bio) qui avait démâté. Dans tout ça, tu laisses forcément pas mal d’énergie. Pendant la nuit, le vent est un peu remonté mais j’étais assez safe sous 2 ris et J2, pas du tout à l’attaque, le chariot bien choqué. La mer était très formée. J’ai tapé une première vague qui m’a fait violemment tomber, je me suis fait super mal au dos. J’étais donc déjà fatigué, blessé, forcément moins réactif que si j'avais été en pleine forme.
Vers 6h30 TU, il faisait encore nuit noire, le bateau a abattu brusquement et est parti en survitesse. Je pense que le pilote a décroché, j'avais eu 2 fois précédemment des pertes de consignes. Le bateau est parti sous le vent, a accéléré et s'est retourné comme une crêpe. Il a sançi c-a-d chaviré par l’avant. Entre le moment où j’ai senti le bateau partir en survitesse, entendu mes alarmes de gîte se mettre en route et le moment où le bateau s’est mis à l’envers, il s’est passé 10 secondes, je pense.
Je vous épargne les détails du début où tu patauges dans la nuit noire dans une mer qui n’est pas très chaude à te demander ce qui ce passe et ce que tu vas faire…
Passé ce petit moment de sidération, j’ai repris le contrôle des opérations. Je suis allé dans la coque bâbord où je savais que j’avais ma TPS, ma balise et mon grab bag. J’avais aussi récupéré une lampe torche et un VHF portable.
Je savais que, même à l’envers j’étais en sécurité dans le bateau ; sortir peut être plus dangereux, dans la nuit, le froid et une grosse houle. Je voulais attendre qu’il fasse jour pour déclencher les secours, mais la balise de secours EPIRB s’était déjà déclenchée.
Je suis sorti une première fois vers 8.30 TU pour faire un état de la situation. Je me suis rendu compte que j’avais deux spis à l’eau qui sont normalement rangés à l’avant. Je ne pourrais le vérifier que quand on aura récupéré le bateau mais, peut-être qu’un panneau sous le vent a pris l'eau et rempli un peu l’avant du bateau, ce qui a pu ajouter du poids sous le vent.
Je suis retourné me mettre au chaud entre guillemets ; avec de l’eau jusqu’à la taille, à l’intérieur du bateau, c’est quand-même assez précaire comme situation !
Je suis ressorti pour lancer un mayday une heure plus tard. Un cargo m’a répondu, que j’ai assez vite vu, avant d’apercevoir également Jean-Pierre (Dick). Il a réussi à venir vers moi, a laissé traîner un bout derrière son bateau et à un moment, il a fallu y aller ! Là, dans ta petite TPS, dans 5 mètres de creux, t’es pas très fier ! Tu te dis : là mon gars, il va falloir plonger et nager ! Mais ça l’a fait ! J’ai eu du mal à remonter dans le bateau, parce que ma TPS était pleine d’eau. L'embarquement a été assez délicat.
Pour moi, les conséquences de ce chavirage sont considérables [Brieuc exploite son bateau en charter toute l’année]. J’étais le premier à dire haut et fort qu’il fallait y aller mollo sur cette Route du Rhum, qu’il était hors de question d’abîmer le bateau, et, résultat des courses, quatre jours après, on est dans la pire situation qu’il puisse arriver.
Là, on s’organise pour aller chercher le bateau, j’espère en fin de semaine. Nous avons mis en place une cagnotte Leetchi pour lever des fonds car l’opération est assez coûteuse, autour de 200.000€.
Je suis épuisé physiquement et psychologiquement, mais, quand je vois tout le soutien que j’ai autour de moi, la mobilisation de mes proches, de mes partenaires, ça donne la niaque pour continuer ; je me concentre sur la priorité n°1 qui est, maintenant, de récupérer le bateau."