Ce lundi 14 novembre, en tête de flotte de la 12e Route du Rhum – Destination Guadeloupe, les Ultim 32/23 voient enfin la porte des alizés s’ouvrir devant eux. Pour l’heure, ces derniers demeurent toutefois un peu timides et contraignent Charles Caudrelier (Maxi Edmond de Rothschild) et ses deux poursuivants les plus proches à déployer beaucoup d’énergie pour faire avancer les bateaux. Dans leurs sillages, les concurrents des autres classes et catégories, s’impatientent de trouver des vents portants à leur tour. Reste qu’hormis les Ocean Fifty qui vont pouvoir envoyer les gennakers dans la soirée, la grande majorité des solitaires va devoir encore attendre. Et pour cause, ces dernières heures, ils n’ont eu d’autres choix que de remettre de l’ouest dans leur route avec, à la clé, la confrontation musclée avec un troisième front, au nord des Açores. Pour eux, c’est donc une nouvelle journée tonique qui s’annonce. C’est encore plus vrai pour les marins évoluant toujours aux abords du cap Finisterre qui vont, eux, essuyer une situation de tempête, la faute à l’ex-ouragan Nicole aujourd’hui devenue une véritable bombe météorologique au nord du 42e parallèle.
Ce qu’il faut retenir
-Confronté à la défaillance structurelle d’une cloison avant de son Class40 Eora, Rupert Henry a officiellement signifié son abandon à la Direction de course dans cette Route du Rhum – Destination Guadeloupe. Il reste 123 bateaux en course.
-Après un choc à la tête et s'être entretenu avec le médecin de la course, Jean Galfione, le skipper du Class40 Serenis Consulting qui avait déjà effectué une première escale à Brest à la suite d’une accumulation de soucis techniques, est en passe de rallier le port de Vigo. Sur place, il passera des examens médicaux complémentaires qui détermineront si oui ou non il peut poursuivre la course.
-Aux environs de 21 heures hier, Pierre Casenave-Péré, le skipper du Class40 Legallais, a rejoint le port de La Corogne où il va tenter de régler ses problèmes de gréement.
La nuit dernière, Charles Caudrelier (Maxi Edmond de Rothschild), François Gabart (SVR – Lazartigue) et Thomas Coville (Sodebo Ultim 3) ont multiplié les empannages en bordure de l’anticyclone des Açores et voient enfin l’autoroute des alizés tant espérée s’ouvrir devant eux. « Pour l’instant, ils ne sont pas très bons. Ce ne sont pas les alizés que l’on aimerait avoir. Ça devrait aller de mieux en mieux, assez vite je l’espère, car actuellement, on est en limite de vol tout le temps. On s’arrache un peu les cheveux et on se bat pour rester le plus rapide possible mais il y a de la mer. Les conditions ne sont pas faciles du tout », a commenté Caudrelier lors de la vacation matinale, aux environs de 5 heures, avec une certaine marque de fatigue dans la voix. « Elle est physique cette Route du Rhum – Destination Guadeloupe ! Il n’y a pas de bords de repos et la météo est exigeante. Je suis fatigué au point de ne plus réussir à m’endormir », a concédé le Finistérien qui devrait retrouver des vents plus consistants d’ici à la mi-journée, et alors débouler à vitesse grand V avec beaucoup moins d’efforts pour le sprint final à destination de Pointe-à-Pitre. « Dans un peu moins de deux jours maintenant on y sera », a commenté le skipper du Maxi Edmond de Rothschild qui est parvenu à reprendre quelques longueurs à la concurrence ces dernières heures et caracole en tête avec une quarantaine de milles d’avance sur son dauphin. Une paille toutefois à l’égard des 1 300 milles qu’il reste à parcourir pour rejoindre l’arrivée.
La prudence de mise
Plus au sud de l’archipel des Açores, Quentin Vlamynck a, lui aussi, creusé doucement mais sûrement un peu d’écart avec ses camarades de jeu ces dernières heures. Pour preuve, le skipper de l’Ocean Fifty Arkema qui affichait 30 milles d’avance sur son plus proche poursuivant hier au pointage de 6 heures en comptait plus du double, au même moment ce matin. « Je suis là où je voulais être donc c’est top. Je continue toutefois d’y aller très prudemment. A la sortie de l’archipel, il y eu une petite zone de molle à négocier. Ça commence à aller mieux mais ce n’est malgré tout pas sûr que ça reste très stable aujourd’hui. Dans tous les cas, ce qui est pris est pris », a indiqué le vainqueur du Pro Sailing Tour 2022 en équipage, qui fait preuve d’une remarquable maîtrise en solo lors de cette Route du Rhum – Destination Guadeloupe. « Je n’ai quasiment pas barré depuis le début et je suis en pleine forme. Je sais qu’il va falloir faire gaffe aux nombreux pièges qu’il reste sur la route et je vais continuer d’avancer étape par étape », a relaté le jeune marin qui se réjouit de la perspective toute proche de trouver, enfin lui aussi, des vents portants. « On devrait mettre le gennaker en fin de journée et ça, c’est une bonne nouvelle. J’ai bien cru qu’on n’allait jamais le mettre ! », a indiqué Quentin Vlamynck, traduisant là le sentiment général de la flotte.
Et de trois !
Car c’est un fait, le contexte météo de cette 12e édition de la plus mythique des transatlantiques en solitaire est définitivement complexe. Pour preuve, la grande majorité des skippers de la classe IMOCA et ceux de la Class40 n’ont d’autres choix que de remettre de l’ouest dans leurs trajectoires. « J’ai beaucoup hésité entre continuer de gagner vers le sud et remettre un coup dans l’ouest. Il se trouve, pour finir, que contrairement à ceux de devant, je n’ai pas trop eu le choix car par rapport à ce qui était prévu, ça devenait de moins en moins intéressant. J’essaie, malgré tout, de rester assez sud pour ne pas aller dans trop de vent. Je sais que je vais avoir un passage un peu costaud à négocier ce matin et le but va être de ne pas avoir un souci pendant cette période », a expliqué Justine Mettraux, la skipper de l’IMOCA Teamwork.net, pointée en 7e position avant le passage de ce nouveau front. Topo identique ou presque chez les Class40, ainsi que l’a expliqué Yoann Richomme (Paprec Arkéa), tôt ce matin, alors toujours à la bagarre pour la première place avec Corentin Douguet (Quéguiner – Innoveo). « On n’a effectivement pas eu d’autres possibilités que celle de retourner dans l’ouest. Si on plongeait au sud, on mettait 48 heures de plus pour aller en Guadeloupe. Cette option ne nous fait pas forcément plaisir parce qu’on est en train de d’attaquer le gros d’un troisième front. Ça va être de nouveau hyper intense mais c’est normalement le dernier vraiment sport », a détaillé le tenant du titre en Class40. Au menu du jour, pour lui et ses comparses, des rafales jusqu’à 45 nœuds sur une mer toujours très cassante. « Là, il y a 27-30 nœuds et ça monte crescendo. On avance à 12 nœuds face aux vagues. Ça fait des bonds et des arrêts assez violents. Ça claque fort dans le bateau, comme des détonations », a souligné Yoann Richomme qui va devoir faire preuve de prudence jusqu’à la mi-journée avant de retrouver des conditions plus maniables. Plus maniables mais toujours délicates, avec ensuite encore une voire deux deux nouvelles perturbations à subir avant de glisser enfin dans les alizés. « Au sud des Açores, on devrait retrouver un scénario plus profitable », a promis le navigateur. La situation va, en revanche, rester compliquée plus longtemps pour les marins ayant tardé à prendre la route vers le sud, ralentis par des avaries ou par des vents moins forts dans le régime de traine. Ces derniers vont devoir faire le gros dos dans des vents qui pourraient atteindre 60 nœuds en rafales du côté du cap Finisterre sur une mer très forte. Pour eux, plus encore que pour les autres, la vigilance sera de mise.