carto.png
Chargement

Cartographie en direct

Comprendre le vol d’un Ultim 32/23 en 7 chiffres clés.

31 oct. 2022 - 13:11|Temps de lecture : 6 min

MC2131_Guillaume Gatefait_MC_SVR_083.jpg

Equilibre parfait, le foil pousse, les safrans donnent l'appui arrière et la dérive centrale équilibre.© Vincent Curutchet-Banque Populaire

C’est magique, ils volent et ça va bien plus vite. Ça, tout le monde l’a compris, mais comment décollent-ils et restent-ils en l’air ? Quels sont les gains réels et les limites ? L’architecte Xavier Guilbaud du cabinet VPLP et les pilotes des Ultim décryptent le phénomène, avec des chiffres mais sans nous faire faire de maths !

2 foils, la base

Regardez par le hublot de l’avion si vous embarquez pour Pointe-à-Pitre. L’aile est courbe sur le haut et plate en dessous. Cette asymétrie créée la portance qui garantit le vol. C’est la même histoire avec les foils dont la partie coudée qui est plus ou moins horizontale sous l’eau pousse sous le flotteur. Cette portance est exponentielle avec la vitesse. Plus on va vite, plus ça pousse! Chef de projet chez VPLP, le cabinet qui a conçu cinq des huit Ultim 32/23 au départ, Xavier Guilbaud explique : «Sur des trimarans de la génération d’Idec Sport, on dessinait des foils capables de soulever la moitié du déplacement, donc le bateau ne vole pas. Aujourd’hui, on cherche 100%. La surface portante doit donc être deux fois plus grande. Mais comme le bateau s’élève et qu’une partie du foil sort de l’eau, leur taille est bien supérieure à deux fois celui des anciens multicoques » Les nouveaux foils mesurent environ 6 mètres pour un poids de 400 kg pièce.

22 noeuds : la vitesse de décollage

Les bateaux les plus récents comme SVR Lazartigue ou Maxi Banque Populaire XI décollent à partir d’une vitesse de 22 noeuds. Xavier Guilbaud précise : « Pour un bateau plus ancien comme Actual Ultim 3, c’est plutôt 28 noeuds. On parle de vitesse bateau car c’est elle qui conditionne le décollage avec la poussée du foil. Il faut normalement 12 et 14 noeuds de vent réel au près pour y parvenir en tirant sur la barre pour naviguer à environ 55° du vent ».

4 appuis, pour un vol stable.

Contrairement aux IMOCA, les Ultims multiplient les points d’appui car leur jauge leur autorise les plans porteurs sur les safrans et la dérive. « En vol, explique Xavier Guilbaud, un Ultim s’appuie sur le foil à 70%, la dérive et son aile de raie à 20% et les safrans (flotteur sous le vent et coque centrale) pour 10 à 15%. Au reaching (vent de travers), le bilan des forces est plutôt une portance de 90% sur le foil. »

1 aile de raie : la clé de voûte

Actual, ex Macif, avait été conçu au départ avec une dérive droite, celle avec lequel François Gabart a explosé le record du Tour du monde en solitaire. L’équipe de Mer Concept a ajouté le plan porteur en bas du profil baptisé « aile de raie », juste avant la vente du bateau à Yves Le Blévec. Ce dernier explique : « Historiquement, on a commencé à soulever les bateaux en faisant de foils plus gros. Très bien, le flotteur se soulève mais pour rester horizontal, il faudrait être exactement à 100% du couple de redressement, ce qui n’est jamais le cas. Donc, si tu ne veux pas naviguer contre gîté, il faut aussi pousser sous la coque centrale.
Quand tu as envie de glisser dans l’alizé, tu angules l’aile de raie de telle façon qu’elle créée une portance. Une fois un équilibre moyen trouvé, c’est le pilote qui régule la gîte et la contre-gîte en loffant et en abattant pour conserver l’assiette horizontale.
Et puis un jour, on a compris qu’au reaching (vent de travers), là où tu as besoin du maximum de puissance, tu pouvais inverser l’aile de raie pour retenir la coque centrale, la tirer vers le bas. Donc tu créées du moment de redressement (de la raideur) artificiellement comme ça. C’est un peu comme si tu prenais un ris en restant grand voile haute ! Les alarmes sonnent de partout car ça renvoie des efforts énormes et il faut avoir des repères chiffrés pour ne pas aller trop loin …
»

220%, le volume minimum du flotteur.

Ce pourcentage désigne le volume du flotteur par rapport au déplacement du bateau (en litres. Un bateau de 15 tonnes = 15000 litres). Xavier Guilbaud explique : « Il faut que le bateau continue à marcher en mode archimédien. En cas d’avarie d’appendice bien sûr, mais aussi pour créer de l’appui jusqu’à ce que le foil prenne le relais. Sur Idec Sport, les flotteurs font 260% (2,6 fois le poids du bateau en litres NDLR) . Le plus extrême est SVR, avec 220%, le minimum de la jauge des Ultim 32/23 »

3 mètres de vague, limite floue …

Les images incroyables d’un Ultim accompagnant la houle du large en restant bien horizontal au dessus de l’eau, font rêver. Mais elles ont des limites comme le précise Armel Le Cléac’h : « Jusqu’à 3 mètres de vague, on vole parfaitement. Au delà, c’est fonction des caractéristiques de la mer. Si elle est croisée ou courte, ça change beaucoup le comportement du bateau. Au délà de 3 mètres, on vole partiellement, dans un mode plus hybride » Des conditions qui permettent alors aux anciennes générations de tirer leur épingle du jeu. « A partir de 25 noeuds de vent, les performances entre les différentes générations se lissent confirme Xavier Guilbaud. En dessous, les gains des nouveaux bateaux sont quand même très importants, surtout au près. Dans 15 noeuds, Idec Sport plafonne à 22 noeuds quand les autres sont à 28 ou 30. Au portant, ils gagnent environ 10° d’angle de descente dans le vent, ce qui précieux dans l’alizé».

26 profils testés sur le Maxi Edmond de Rothschild !

Le Maxi Edmond de Rothschild, conçu en 2016 par Guillaume Verdier, a été le premier trimaran à faire le pari du vol total. Vainqueur de toutes les courses depuis trois ans et référence de la série, il a pourtant changé ses foils avant la Route du Rhum Destination Guadeloupe, comme l’explique Charles Caudrelier : « On devait faire de nouveaux foils dès 2020. Avec Franck (Cammas), on a cherché un nouveau profil sans jamais réussir à faire mieux que les anciens avec lesquels nous avons encore remporté la Finistère Atlantique cette année. Mais on a vu sur cette course que les autres Ultim avaient beaucoup progressé. Nous avons donc décidé d’implanter de nouveaux profils, testés pendant les 24 heures de Lorient avec succès ». Lorsque Charles est arrivé dans le team, le nom de code des foils était K 61. Ceux-là sont les K 87 ! 26 profils ont donc été testés avant d’aboutir aux performances espérées. « Et encore, ajoute l’un des favoris en Ultim pour sa première Route du Rhum, on a modifié les K 61 quatre fois depuis leur implantation sur le bateau ! Avec ces nouveaux appendices, on décolle plus tôt ; ils sont plus performants au près et aussi à très haute vitesse car ils cavitent moins. Tout en conservant une bonne tolérance au réglage, ce qui est essentiel en solitaire »

190924_ES_polaRYSE_GITANA_1277.JPG

Maxi Edmond de Rothschild, le premier à avoir fait le pari du vol total© Eloi Stichelbaut / polaRYSE / GITANA SA

Facebook

Twitter

LinkedIn

Email

Copier le lien

Revenir en haut

Vous pouvez librement donner, refuser ou retirer votre consentement à tout moment. Vous pouvez consentir à l’utilisation de ces technologies en vous servant du bouton « Accepter ».