Alors que Charlie Dalin disposait en milieu de nuit d’un matelas bien confortable de 90 milles sur ses poursuivants, la zone de vents faibles pile sur le chemin de la flotte des IMOCA a redistribué les cartes. Résultat : un regroupement net et un élastique distendu derrière le skipper d’Apivia, qui a perdu 50 milles, mais caracole toujours en tête devant une meute de chasseurs très compacte. « C’est presque un nouveau départ » lançait Kevin Escoffier (Holcim – PRB) à la vacation de l’organisation de La Route du Rhum – Destination Guadeloupe.
Ce soir, après ce deuxième front tonique, place à la bascule de vent au Nord-Ouest et donc aux allures portantes, le Graal tant attendu des foilers qui vont pouvoir s’exprimer pleinement avant de rejoindre les alizés. Le Suisse Oliver Heer, quant à lui, s’est arrêté à Port-La-Forêt à 11h30 (locales) pour sortir son bateau de l’eau afin d’effectuer les réparations nécessaires sous la ligne de flottaison (suite à une collision avec le Japonais Kojiro Shiraishi au niveau du cap Fréhel). Il accuse 700 milles de retard sur la tête de flotte, 380 milles sur Nicolas Rouger (Demain C’est loin) qui ferme la marche des IMOCA en mer.
Quant à Damien Seguin (Groupe Apicil) qui avait abandonné hier (vendredi 11 novembre) sur dématâge après une collision avec un cargo, il à "été rejoint par Guillaume Trotte, boat captain de l’IMOCA Groupe APICIL, qui a embarqué aux côtés de l’équipage. La vedette le transportant est arrivée ce samedi à 14h45 (HF) sur zone. Guillaume Trotte a alors été transféré à bord du bateau Groupe APICIL pour apporter du gasoil au solitaire. Il va rester à bord avec Damien jusqu’au retour à Lorient. La vedette va par ailleurs naviguer à proximité de Groupe APICIL pour assurer sa sécurité jusqu’en Bretagne. Damien Seguin est attendu à Lorient demain, dimanche 13 novembre en fin de journée. Le skipper de Groupe APICIL va bien, il affiche un bon moral et est vraiment touché par les nombreuses marques de soutien reçues. Rejoint par Guillaume Trotte, il a désormais hâte de pouvoir retrouver le reste de son équipe qui œuvre sans relâche depuis le démâtage pour sa sécurité et celle du bateau."
Drôle de matinée entre Porto et le Nord-Est des Açores. De l’assourdissant bruit de la mer qui cogne contre les coques et du vent dans les voiles, les skippers des monocoques de 18,28 m se sont retrouvés littéralement scotchés sur une mer clapoteuse et sous une pluie diluvienne. Un peu de répit donc pour les skippers qui ont cravaché et manœuvré dur depuis trois jours ? Que nenni ! « Cela a permis de rincer le bateau et le ciré, mais c’était éprouvant d’essayer de trouver une porte de sortie. Je ne sais pas ce qu’il y a de plus difficile : manœuvrer dans du vent fort, ou essayer de s’extraire d’une zone de pétole. D’un côté, tu t’uses physiquement, de l’autre, c’est plutôt mentalement. » confiait Antoine Cornic (Human Immobilier) au téléphone dans la matinée. Si « l’arrêt buffet » n’aura duré que quelques heures, 5 tout au plus, il aura engendré du bouleversement dans le classement. Charlie Dalin y a perdu quelques plumes sans perdre totalement son trône, et ses poursuivants sont désormais alignés sur une jolie ligne de départ à l’axe Nord-Sud. « C’est comme un nouveau départ, cela veut dire qu’il faut refaire tout le boulot ! Aujourd’hui, le vent va montrer très rapidement en 4-5 heures pour atteindre 30-35 nœuds. On virera ensuite derrière ce front pour rejoindre les Açores et probablement retrouver des alizés pas très forts et surtout orientés très Est. Grosse bataille de VMG avec encore beaucoup de manœuvres en perspective ! » s’enthousiasme Kevin Escoffier.
Vers une course Ă plusieurs visages
L’allure du près dans du vent tonique qu’a connue la flotte des IMOCA depuis le départ de Saint-Malo mercredi dernier a permis aux bateaux à dérives de tenir la cadence sans se faire trop distancer d’entrée de jeu. Ils vont pouvoir tenir bon une dernière fois dans ce dernier front velu avec du vent de sud-ouest pour 35 nœuds dans les rafales. Mais dès la bascule et les allures portantes ce sera une autre histoire. N’empêche, la bagarre promet d’être belle quel que soit le positionnement dans le classement. Devant, Holcim-PRB (Kevin Escoffier), Charal (Jérémie Beyou), LinkedOut (Thomas Ruyant), et Biotherm (Paul Meilhat) se tiennent en 4 petits milles. Plus en retrait Corum L’Epargne (Nicolas Troussel) et Initiatives-Cœur (Sam Davies) naviguent bord à bord, idem pour Human Immobilier (Antoine Cornic) et Freelance.com (Guirec Soudée). On saluera en passant, la très belle course de Fanch Guiffant sur son IMOCA Kattan de 2004 en 20e position sur 36 concurrents !
Reste que chacun connaît son lot de déboires et de fatigue. Les boîtes à outils commencent à sortir des cales et les skippers ne font plus l’impasse sur les siestes aussi courtes soient-elle. « On dit que la pire des tortures est d'empêcher quelqu’un de dormir, alors imaginez en plus qu’il se trouve dans un lave-linge. Ce matin, j'ai sorti le pied de biche, un petit souci sur le générateur, certainement dû au choc dans la mer cette nuit. » raconte dans un message écrit du bord, Alan Roura (Hublot). Arnaud Boissières (La Mie Câline) sur sa route orthodromique a flirté avec un poisson lune sans conséquence, ni pour le bateau ni pour l’animal. Maxime Sorel (V and B - Monbana - Mayenne) s’est traîné plusieurs heures un filet de pêche, Giancarlo Pedote (Prysmian Group) a perdu une voile d'avant (J2), tandis que Boris Herrmann (Malizia - Seaexplorer) a sorti la clé de douze pour des problèmes de moteur… A part ça tout va bien : le rythme océanique est bel et bien pris. Vivement les alizés !