Le skipper de 26 ans est atteint depuis dix ans par la maladie de Crohn. Porte-voix des patients avec son projet ‘Vogue avec un Crohn’, il doit composer avec les crises liées à cette maladie digestive qui peuvent survenir à tout moment. Il raconte.
À première vue, Pierre-Louis Attwell a tout d’un marin comme il y en aura tant sur la ligne de départ, le 6 novembre prochain. Lui est un skipper d’expérience, avec une Solitaire du Figaro à son actif (2018) et déjà deux participations à la Transat Jacques Vabre (2019 et 2021). Sauf que lorsque ses compères du large se doivent d’appréhender la mer et ses turpitudes, lui ajoute une autre dimension à ses sorties en mer. Il doit en effet apprivoiser la maladie de Crohn avec lequel il cohabite depuis ses 16 ans. « C’est une maladie digestive , explique Pierre-Louis. Il s’agit d’une pathologie complexe et chronique qui se matérialise par l’inflammation du tube digestif, des troubles digestifs, de la fatigue et parfois des crises qui obligent à des hospitalisations ».
« Montrer qu’on peut vivre sans se mettre de barrière »
La maladie a peu d’échos publiquement et Pierre-Louis le sait : « ce n’est pas facile à gérer et il y a un tabou du fait que cela concerne le système digestif. Les patients ont du mal à en parler ». Le skipper a donc décidé de prendre la parole pour eux, d’afficher la maladie sur ses voiles – ‘Vogue avec un Crohn’ – et de se faire le porte-voix de ceux qui en souffre en silence. « Je voulais utiliser ma pratique du sport pour communiquer sur les pathologies digestives, pour démystifier la maladie et pour montrer, aussi, qu’on peut vivre une vie riche d’aventures sans se mettre de barrière ».
Lui ne s’en met pas et, progressivement, gravit les échelons de la course au large. « Je ne me suis jamais senti aussi bien que depuis que je parle de ma maladie quotidiennement », sourit-il. Ainsi, Pierre-Louis a transformé les rêves d’enfants en réalité du moment. Et comme les autres skippers, la Route du Rhum - Destination Guadeloupe est un songe d’enfant, un rendez-vous chargé de souvenirs. Il y a eu la première fois à l’âge de 5 ans à voir les bateaux quitter le port alors qu’ils étaient à Dinard. Et puis la dernière édition, en 2018, où il devait être préparateur d’un bateau. « Quelques jours avant de commencer, j’ai eu une grosse crise, une perforation de l’intestin , confie-t-il. J’ai dû être opéré et c’est depuis ma chambre d’hôpital que j’ai assisté au départ avec des copains ».
Une cellule de médecins en veille pendant la course
Quatre ans plus tard, Pierre-Louis est l’un des acteurs de la plus iconique des transatlantiques. Et il savoure avec des mots simples et un enthousiasme constant : « être ici au départ, c’est une première victoire. Il y a quelque chose de légendaire, d’intimidant parfois mais de très excitant ». Lui qui a déjà traversé l’Atlantique à deux reprises en double à la Transat Jacques Vabre s’apprête donc à en faire de même mais en solitaire. « J’ai vraiment envie d’aller au bout, de me prouver que je peux y arriver et le devoir à moi-même ». Il évoque « un challenge en tant que marin et en tant que patient ».
Car la maladie est toujours là. Pierre-Louis ne s’en cache pas et il sait qu’elle peut se manifester aussi au large par des crises. Si le bateau ne compte pas d’emménagement particulier, c’est la préparation de la course qui diffère. « J’embarque des médicaments différents pour essayer d’enrayer les crises éventuelles ». Par ailleurs, en plus du médecin de la course qui est sensibilisé, une permanence à distance sera installée à Nantes. En permanence, des gastroentérologues, des chirurgiens et des nutritionnistes se relayeront afin d’assurer une veille. « L’idée, c’est de pouvoir avoir accès à une téléconsultation spécialisée en à tout moment en cas de douleurs éventuelles ».
Cette cellule avait déjà été mise en place lors de ces deux précédentes traversées de l’Atlantique. Le système est éprouvé et permet aussi de pouvoir se focaliser sur les aspects sportifs. Il faudra s’attacher à « mobiliser des ressources différentes qu’en double » et « se bagarrer pour aller au bout ». Surtout, Pierre-Louis a la certitude que le large a la capacité de lui offrir ce qu’il a de meilleur. « Naviguer, c’est une façon de renouer et de reprendre contact avec mon corps. C’est une façon de mieux vivre ma pathologie au quotidien ». Et l’occasion, aussi, de redonner le sourire à tous ceux qui luttent eux aussi contre la maladie.